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Kévin, l'ange mis sur ma route...

Kévin, l'ange mis sur ma route...
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17 mai 2007

Kévin maintenant

cette histoire je l'ai écrite il y a longtemps, il y a de belles pages encore à écrire depuis...dès que j'aurais le temps je m'en chargerais

Le conseil général a été parfait , ils ont compris et fait en sorte que tout se passe bien chez nous

Kévin a aujourd'hui 13 ans...13 ans qu'il partage ma vie, la notre...

c'est du bonheur au quotidien...

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17 mai 2007

suite

choses intéressantes puisque les enseignants sont des spécialistes dans ce domaine.

A 5 ans aujourd’hui, il continue à aller à l’école maternelle avec les autres enfants, il parle comme un enfant de 3 ans et demi maintenant. Il ira à la maternelle jusqu'à ses 6 ans puis il poursuivra son éducation dans cette école spécialisée. L’association récolte en ce moment des fonds pour pouvoir ouvrir une seconde classe vu le nombre d’enfants qui ont besoin d’être scolarisés.

Quand cette année sera écoulée, on nous a dit que Kévin ne sera plus « adoptable », il reste 3 mois.

Maintenant l’heure des interrogations est arrivée...

X

La trisomie 21 n’est pas une maladie, c’est un état, un ensemble d’altérations causées dans le développement physique et mental par un chromosome en trop. Cet état, appelé aussi syndrome, a pour conséquences de limiter le potentiel de la personne qui le présente.

Caractéristiques : petite taille, tête ronde, front haut et plat. La peau forme un pli caractéristique sur la face interne de la paupière. La paume des mains comporte un sillon transversal unique et la plante des pieds un sillon rectiligne allant du talon à l’espace existant entre le premier et le deuxième orteil. Malformations cardiaques, les sujets sont aussi souvent sujet aux leucémies.

Le quotient intellectuel se situe entre 20 et 60 (100 étant un QI moyen) mais avec une intervention précoce et une éducation appropriée, ils peuvent parvenir à des niveaux plus élevés. L’âge mental se situe vers 8 ans.

L’amélioration des soins pratiqués contre les troubles et les infections permet une durée de vie presque normale alors qu’elle était auparavant d’environ 14 ans. Tout de même, le vieillissement précoce reste une particularité de la trisomie.

« Association Trisalide »

Quand je lis toutes ces explications, ça ne m’étonne plus qu’à moitié que des parents d’enfants trisomiques décident d’abandonner leurs enfants. Franchement, leur vie et leurs possibilités sont vraiment limités.

Malgré cela, j’arrive difficilement à croire qu’ils ne peuvent pas mieux s’en sortir. Quand nous avons eu Kévin à garder, nous ne savions rien de ce qu’il fallait faire et c’est lui qui nous a tout montré, c’est lui qui par son courage nous a fait comprendre ce qu’il y avait à faire.

Une chose est certaine, ils sont heureux. Malgré son état, Kévin semble toujours content, il est comme dans un monde à lui où tout est beau. Bien-sûr, le fait que tout le monde l’aime vraiment est important car il a un besoin d’amour plus intensément que les autres enfants et il a aussi besoin d’en donner continuellement. Il est vraiment débordant de tendresse et d’énergie et aucune situation n’est trop dure pour lui à réaliser.

Nous avons énormément d’espoir pour lui, il parle de mieux en mieux et même s’il ne fait pas des phrases entières, il arrive très facilement à s’exprimer. Ce qui est incroyable, c’est sa mémoire, il arrive aisément à mettre les chose à leur place. Par exemple, il sait quelle personne va avec une autre et surtout il comprend comment marchent les choses . Pour le siège enfant dans la voiture, il lui a suffit de voir une fois le système d’ouverture et de fermeture des sangles de sécurité et depuis il le fait tout seul au grand dam de ma mère.

Si dans une discussion entre adultes il entend le mot « balayer » par exemple, eh bien Kévin va chercher le balai et se mettre à la tâche. Aussi, s’il entend qu’il manque une assiette à table, il s’empresse de mettre le couvert et l’assiette sans que quelqu’un lui demande quoi que ce soit. Il adore par dessus tout faire des choses d’adultes, c’est un enfant qui joue très rarement avec des jouets, il préfère largement participer aux tâches de la maison, ménage, jardinage, nourrir les lapins de mon père, arroser le jardin. C’est incroyable, c’est comme s’il avait besoin de sentir utile.

XI

L’heure des interrogations est arrivée et je me pose énormément de questions. Kévin a aujourd’hui 5 ans et demi, il est très évolué pour son état et je suis débordante de fierté à chaque instant où je le vois.

Il peut arriver que je ne le vois pas 3 ou 4 jours et à chaque fois il a fait d’énormes progrès, il ne régresse jamais, il a toujours un ou deux nouveaux mots dans son vocabulaire ou une nouvelle mimique qui le caractérise. Il arrive aussi mieux à contrôler ses pipis. Il y a aussi beaucoup de changements de ce côté là.

Kévin fait de grands pas tous les jours vers un meilleur avenir et j’ai totalement confiance en lui parce qu’il ne baisse jamais les bras.

Ce qui m’inquiète surtout, c’est son avenir avec nous. Il ne nous appartient pas et nous ne pouvons absolument pas contrôler les décisions prises par les employeurs de ma mère. J’ai une trouille atroce qu’ils viennent nous le reprendre un jour sur un coup de tête.

En fait, sa situation est délicate. Va t’il rester avec nous pour toujours ? Vont-ils décider de le placer dans un centre spécialisé dès que ma mère sera à la retraite ou peut-être avant ?

Pour moi, la situation idéale serait de le garder avec nous mais de petit à petit l’intégrer dans une école pour lui apprendre un métier. En fait, il va déjà commencer à être séparé de nous l’année prochaine à la rentrée scolaire puisqu’il partira du matin au soir à l’école. Ce sera très bénéfique pour tout le monde, pour lui qui devra devenir un peu indépendant et ne pas toujours être aux basques de quelqu’un car il devient très possessif. Et pour mes parents aussi qui auront un peu de temps pour s’occuper d’eux car il est de plus en plus fatiguant aussi.

Par la suite, je souhaiterais qu’il aille dans un centre pour les enfants à problèmes et qu’il y apprenne le métier pour lequel il aurait les meilleures dispositions. Il pourrait ainsi y aller toute la semaine et rentrer les week-end ainsi mes parents pourraient se reposer un peu plus puisqu’ils ne sont plus tous jeunes.

J’espère que nous garderons toujours le contact avec lui, car je serais profondément malheureuse si nous étions arrivés jusque ici avec lui et qu’on nous le retire du jour au lendemain.

Bien sûr le risque est présent et le sera toujours malheureusement car Kévin ne porte le nom d’aucun membre de la famille et qu’il appartient à l’organisme pour enfants abandonnés.

Toutefois, je souhaite qu’ils aient assez de cœur pour comprendre la situation.

17 mai 2007

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Pour moi c’était évident qu’il serait bien chez des gens qui l’ont désiré mais cette famille ne me semblait pas avoir les mêmes buts que nous. Cela m’effrayait beaucoup et je me sentais totalement impuissante tout comme ma mère et le reste de la famille.

Maman nous disait, pour nous épargner, qu’il fallait penser à Kévin, à son avenir, à l’amour qu’il allait aussi recevoir dans cette famille, que peut-être nous pourrions encore aller le voir de temps en temps. Elle faisait la forte pour nous épargner mais elle souffrait profondément et était tout aussi sceptique que moi concernant ces parents.

Mes parents ont donc exprimé leur sentiment et ils ont été plus ou moins écoutés puisqu’ils ont été convoqués au tribunal de la petite enfance pour en parler. J’ai alors pris mon après-midi de libre pour y accompagner ma mère. Je voulais être près d’elle et aussi je voulais qu’ils entendent ma version, celle qui serait moins gentille que celle que dirait ma mère.

Je ne crois pas avoir déjà été aussi angoissée de ma vie. Nous avions emmené Kévin pour montrer à tous ces juges comment il était grâce à nous, et surtout grâce à ma mère.

Pour résumer, pendant la séance, nous avons du nous vendre comme des fruits frais, je sentais pendant tout cet interrogatoire que nous allions le perdre. Pour finir, nous avons surtout dit que nous souhaitions le bonheur de Kévin dans une famille d’adoption mais que nous voulions que la séparation se passe en douceur. Nous pensions qu’il fallait un an pour que cela se passe bien. Les parents pourraient venir le voir au début pour voir comment il vit, puis le prendre quelques week-end de temps en temps, puis une ou deux semaines pendant les vacances. Il fallait absolument que Kévin ait le temps de les adopter à son tour et il fallait qu’il comprenne que nous ne le laissions pas à des inconnus parce que nous ne voulions pas de lui.

Les juges nous ont demandé de sortir de la salle, ils allaient délibérer de suite ce que nous ne savions pas et nous rappeler ensuite. Je ne me rappelle plus combien de temps cela avait vraiment durer mais nous avions la gorge serrée et nous pleurions à chaque fois que Kévin levait les yeux sur nous. Il ne comprenait pas ce qu’il pouvait bien se passer ici, il jouait innocemment dans les couloirs et moi je n’arrêtais pas de me dire que nous allions être séparés de lui très rapidement, je sentais qu’ils avaient déjà pris leur décision.

Nous avons finalement été rappelés dans la salle, les juges avaient tous un air sévère et j’ai senti mon cœur s’arrêter à ce moment-là. Nous nous sommes installées et ils ont commencé à parler, je ne me rappelle plus du tout ce qu’ils disaient, mes oreilles bourdonnaient et ma tête semblait prête à éclater, la chose dont je me rappelle est cette phrase « vous avez raison, cette famille ne nous semble pas être la bonne pour le petit Kévin et nous allons laisser tomber cette affaire, en outre, nous vous promettons de faire une séparation progressive si toutefois nous trouvions des parents adoptifs pour lui ».

Nous nous sommes regardées, ma mère et moi, et nous avons soufflés toutes les deux en même temps, un ouf qui venait du fond du cœur. Les larmes n’arrêtaient pas de couler et je tremblais de la tête aux pieds. Nous prenions Kévin dans nos bras en l’étouffant presque tellement nous le serrions sur nos coeurs.

IX

Kévin a eu 4 ans quand il a enfin été accepté à l’école maternelle du village. L’institutrice n’était pas très chaude pour le prendre du fait qu’elle n’avait pas d’aide auxiliaire et qu’elle avait déjà un autre trisomique dans sa classe. La pression aidant, il y est donc allé en demi-journées pendant un an.

Il faisait encore d’énormes progrès depuis qu’il était à l’école. Il parlait de mieux en mieux, son vocabulaire était de plus en plus riche, pour le situer, à 4 ans il parlait comme un petit de 2 ans. Il avait rattrapé presque tout son retard mais je crois que ces deux ans de décalage par rapport à son âge existeront toujours. Je ne pense pas qu’il puisse un jour être complètement comme un enfant de son âge, le retard mental étant un aspect de la trisomie.

Ma mère a continué à aller deux fois par semaine chez l’orthophoniste pour améliorer l’articulation des mots. Et les résultats étaient spectaculaires. Il parlait bien mieux que d’autres trisomiques plus âgés que lui que nous voyions. En fait, Kévin a profité des conseils des parents de trisomiques qui n’avaient pas eu la chance d’en avoir quand leur enfant est né. Les possibilités étaient nombreuses maintenant que la maladie était plus connue. Nous savions d’emblée tous les soins à prodiguer et tout le suivi orthophonique à faire.

Un jour, l’association de parents d’enfants trisomiques a demandé à ma mère d’aller voir près de chez nous des parents d’un enfant trisomique qui venait de naître. Les parents n’arrivaient pas à accepter cette naissance, et le bébé ressentait fortement qu’il n’avait pas d’amour de la part de sa famille. Elle y est donc allée avec Kévin pour leur parler de la maladie. Elle y est restée très longtemps mais visiblement le message est bien passé puisque maintenant les parents faisaient partie de l’association et semblaient fortement tenir à cet enfant.

Ce genre de petites victoires nous réchauffait le cœur à chaque fois. Nous pouvions bien-sûr comprendre les parents qui trouvaient insurmontable d’accepter un enfant anormal ; mais depuis que nous connaissions Kévin, il devenait difficile de penser que des gens pouvaient abandonner leur enfant.

Pendant ce temps-là , l’association pour les parents de trisomiques gagnait une grande bataille en ouvrant la première classe pour trisomiques dans une grande ville. Là-bas, tous les enfants avaient leur chance de réussir à apprendre des

17 mai 2007

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VII

Kévin faisait de très gros progrès en langage, il marchait mieux mais il portait toujours des couches à 3 ans.

Nous nous sommes rapidement rendu compte que l’opération pour son anus n’avait pas complètement réussie. En fait, il avait un problème avec son muscle qui est incapable de retenir ses pipis et cacas. Il sait donc qu’il a envie d’aller aux toilettes mais ne peut pas retenir ces envies . Il n’y a pas vraiment de solution à ce problème et il faudrait que Kévin puisse dire vite ses envies pour éviter qu’il en mette plein dans les culottes.

Pendant ce temps-là, ma mère cherchait à le scolariser par tous les moyens, l’institutrice ne voulait pas de Kévin, car elle n’avait pas d’aide auxiliaire et l’effectif était trop important. De plus, elle n’acceptait pas d’enfants avec des couches, c’est la même règle pour tout le monde. Nous ne pouvions pas accepter que Kévin soit repoussé au moins pour cette raison, car il était incapable d’être propre à cause de ses problèmes de santé. Bien sûr, nous n’avions aucun recours puisque les enfants ne sont pas obligés d’aller à la maternelle et par conséquent les instituteurs ne sont pas obligés de le prendre s’ils ont trop d’élèves.

Nous étions dégoûtés, allait-on toute notre vie devoir nous battre contre l’enseignement ? Pourquoi n’avait-il pas le droit d’aller à l’école comme tout le monde, alors qu’il se comportait comme tout le monde ? Etait-il important à la maternelle d’avoir de grandes capacités ?

Ma mère a donc été obligée de repousser sa scolarisation à l’année suivante, en espérant trouver une solution pour le faire admettre. Kévin avait besoin, plus que les autres enfants, d’être en groupe, d’apprendre à jouer, parler, lire, danser, chanter... Il n’était entouré que par des adultes qui l’adulaient depuis sa naissance, il allait devoir rapidement être confronté aux problèmes et apprendre à se défendre.

Elle a donc décidé de le mettre au moins en demi-journées à la crèche. Il y a appris un tas de choses, ses petits camarades n’ont pas fait de différence et le personnel était adorable avec lui. Ils lui ont tous donné sa chance en le laissant participer à toutes les activités sans restrictions. Il a obtenu de belles victoires, comme manger tout seul par exemple, il était très fier de lui.

C’est drôle ce sentiment de fierté qu’il a lorsqu’il réussit quelque chose, on peut
alors entendre applaudissements et cris de joie. Il se fait une véritable fête.
Et inversement, si Kévin déçoit et s’en rend compte ou s’il rate quelque chose d’important, il perd très rapidement son calme et se tape lui-même. Il est très important pour lui d’être la star. Il attire l’attention sur lui, fait en sorte de toujours se faire voir, il ne supporte pas que quelqu’un d’autre passe devant lui.
Par exemple, si un autre enfant fête son anniversaire, il faut allumer les bougies aussi à Kévin, car il n’est pas question que lui n’ait pas le droit de souffler.

VIII

Cette année s'était plus ou moins écoulée sans embrouilles. Kévin avait de plus en plus de mots dans son vocabulaire, il essayait de s’exprimer comme il pouvait et nous piquions de sacrés fous rires en le voyant parler.

Mon cœur et celui de toute la famille se remplissait de fierté en le voyant ainsi alors qu’on avait pu entendre les pires horreurs sur cette maladie. Kévin avait pris la plus belle revanche sur la vie et il semblait extrêmement heureux, car tout le monde l’adorait. C’était un enfant qui ne pleurait jamais même pour les petits bobos, il était toujours souriant et ceci déjà le matin au réveil. Comment ne pas l’aimer alors que lui donnait tout ce qu’il pouvait sans jamais compter ?

Un jour ma mère m’a téléphoné au travail pour me dire qu’elle avait eu un coup de fil de ses employeurs qui lui annonçaient de but en blanc qu’ils avaient certainement trouvé quelqu’un pour l’adopter. Je crois bien que j’ai failli tomber de ma chaise. Nous avons toujours gardé quelque part en nous cette possibilité mais au bout de trois ans, qui pensait encore que cela allait nous arriver ?

Tous les jours, nous obtenions d’autres informations. Cette famille qui voulait adopter Kévin était composée d’une femme âgée de 35 ans environ et d’un homme d’une quinzaine d’années de moins qu’elle. Ils avaient déjà un enfant et souhaitaient un enfant trisomique. On nous avait aussi laissé entendre que les parents voulaient être payés pour élever Kévin, cela nous a profondément choqués. Je ne pouvais pas comprendre que quelqu’un souhaitait adopter un enfant et réclamer de l’argent pour cela.

Nous étions tous négatifs, on ne sentait pas du tout cette histoire, cela nous semblait bizarre. De plus, ils avaient prévu de leur donner Kévin rapidement sans vraiment de temps d’adaptation et tout le monde aurait pu leur dire que cela ne pouvait pas se passer comme ça. Cet enfant était beaucoup trop attaché à toute la famille pour partir du jour au lendemain chez de parfaits inconnus. Cette façon de procéder nous blessait et nous trouvions cette idée de plus en plus dangereuse.

A ce moment-là, je ne pouvais même pas regarder le gamin sans m’effondrer en larmes. Je n’ai pas montré à ma mère combien j’étais malheureuse car je ne voulais pas qu’elle craque elle aussi. La nuit aussi je pleurais beaucoup. Bien sûr, je me disais que d’avoir des vrais parents à lui, cela était certainement la meilleure chose qui pouvait lui arriver, que là au moins son avenir serait assuré.

17 mai 2007

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Il y avait aussi pendant ces réunions des enfants plus âgés qui nous donnaient beaucoup d’espoir. Certains parlaient bien, arrivaient à tout comprendre et se comportaient pratiquement normalement. J’observais ce qui allait arriver à Kévin plus tard, j’écoutais tous les conseils et avec ma mère nous prenions des décisions.

Elle a envoyé Kévin chez un kinésithérapeute pour le développement correct de ses membres, il y passait de longues heures très ennuyeuses, à répéter encore et encore les mêmes exercices et toujours avec le sourire, en faisant le clown pour amuser le docteur.

Elle a aussi décidée de l’emmener chez un orthophoniste pour lui apprendre à prononcer mieux les mots car il avait 3 ans et ne pouvait toujours pas parler, il sortait des phrases complètement incompréhensibles. De ce jour, il a fait d’énormes progrès. Bien sûr, il ne parlait pas par phrases entières mais savait dire ce qu’il voulait et je crois que même avec ces mots bizarres, nous l’avons toujours compris (par exemple : CRIC CRIC avec un geste du pouce vers la bouche voulait dire « j’ai soif »).

VI

Kévin avait trois ans quand j’ai décidé de quitter la maison pour vivre avec mon ami.
J’avais 22 ans, je devais bien quitter le foyer familial un jour et puis je souhaitais me bâtir mon avenir seule, loin du cocon.

Ce départ me rendait folle, je ne déménageais qu’à 5 ou

6 kilomètres

de là mais je savais que je ne serais plus à la maison tous les jours et l’idée de ne plus voir Kévin, de ne plus le toucher, de ne plus le voir me sourire tous les matins au réveil, de ne plus le regarder courir tous les jours vers moi les bras ouverts quand je rentrais du travail me rendait triste... J’avais l’impression d’abandonner mon enfant et j’ai beaucoup pleuré, surtout en cachette, car les gens me disaient « mais tu peux revenir souvent, tu habites juste à côté » mais que savaient-ils des moments passés avec Kévin la nuit, des bains que nous prenions ensemble, des histoires que je lui racontais le soir et qu’il mimait sans faire de bruit pour que sa « mamie » ( ma mère) ne vienne pas nous gronder.

Cela s’est très mal passé aussi pour Kévin, il se réveillait la nuit en pleurant et me réclamait sans arrêt. Ma mère le laissait m’appeler au travail, chez moi... Lorsque je passais chez mes parents (pratiquement tous les jours au début), il m’en voulait beaucoup, me cognait comme il pouvait et chaque retour chez moi était une déchirure, il me disait « toi pas aller là-bas, toi rester ici avec moi » et il pleurait à chaque fois. Que pouvais-je y faire ? à part aller le voir souvent, je n’avais pas de solution.

Il a fini par moins pleurer et à comprendre que même si je ne vivais plus avec lui, je l’aimais toujours et cela le rassurait. Il se calmait un peu plus, paraissait moins brutal avec moi mais par contre ne me lâchait pas de tout le temps que je passais chez mes parents et pleurait quand même à chaque fois que je rentrais chez moi.

Je l’ai pris chez moi en vacances l’été qui a suivi mon déménagement pour lui expliquer encore mieux la situation. Il était très jaloux de mon copain et nous séparait sans arrêt si nous avions le malheur de nous faire un bisou. C’était devenu un jeu, il riait mais je sentais qu’il était vraiment jaloux. Il a tout de même accepté la situation au bout de quelques mois et faisait maintenant la différence.

Bien-sûr quand ma mère le grondait, ou qu’il était fâché, ou que je n’étais pas venu pendant quelques jours, il appelait pour me dire « veux aller chez saya (Sonia en langage Kévin) ».

Il adore mes parents, les autres membres de la famille et il leur donne toute l’affection dont il est capable mais si je suis dans la même pièce que lui, il veut faire pareil que moi, il veut s’asseoir à côté de moi, il veut manger la même chose que moi... Cette relation particulière que j’ai avec lui est due je le pense au fait que Kévin dormait dans ma chambre, avec moi, je l’habillais, je le coiffais, le changeait comme une maman, sans jamais rien lui interdire puisque mon rôle était celui de la grande sœur et pas de la maman qui gronde et lui interdit certaines choses. J’avais le rôle le plus simple, celui d’être là comme une grande sœur qui lui faisait faire des trucs sympas.

Bien sûr ma mère est sa vraie maman de cœur. Il appelle ma mère « mamie » parce que Sébastien et Christophe l’appellent ainsi mais pour lui mamie veut dire maman. Par exemple, il appelle ma sœur « maman » parce que sa petite fille qui a pratiquement le même âge que kévin appelle sa mère « maman », ce qui est logique. Donc pour lui, ma sœur s’appelle maman. C’est un prénom comme un autre mais c’est très rigolo.

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17 mai 2007

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III

Un dimanche matin, nous avons eu une grosse frayeur, la première d’une longue série. C’était le lendemain du baptême d’une de mes nièces.

En effet, pendant la nuit, Kévin s’est complètement déshydraté suite à une gastro-entérite. Il avait perdu environ un kilo et à quelque mois, cela peut être grave. Cela était encore plus difficile pour lui du fait de sa poche reliée directement à son intestin, cela pouvait être dramatique.

Il avait de nouveau un visage amaigri comme à sa naissance, ses joues étaient creusées, j’avais l’impression que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Et pour la première fois depuis sa « renaissance », il ne souriait pas, il ne gazouillait pas... Je ne savais plus quoi dire, je croyais que nous étions entrain de le perdre. Nous l’avons emmené à l’hôpital, toute la famille était en larmes, même mon frère aîné et sa femme qui étaient chez nous en vacances et qui au fond ne le connaissaient vraiment pas encore bien.

Il est revenu quelques jours plus tard, un peu mieux en forme et prêt à nous sauter au cou dès qu’il nous voyait. On le voyait pâle, il avait des difficultés à manger, il souffrait encore beaucoup. Il était presque tous les jours malade, et aujourd’hui encore il attrape toutes les grippes, tous les rhumes et infections qui traînent autour de lui. Je crois que toute sa vie sera faite de médecins, de médicaments etc... et il semble toujours accepter chaque maladie avec le sourire, je souhaiterais avoir plus tard un enfant aussi facile.

Je ne crois pas avoir vu déjà un enfant aussi attaché aux personnes qui l’entourent, il dispensait tellement de chaleur et d’affection que personne au monde ne pouvait passer à côté de lui et l’ignorer car Kévin aimait tout le monde, sans juger et sans critiquer puisque dans son petit univers à lui, il ne sait pas faire cela, il ne connaît pas le mal.

En très peu de temps, il avait adopté tout le monde, mon père et ma grand-mère y compris. Tout le monde ne jurait que par Kévin et cela n’a jamais changé.

IV


L’heure de son importante opération était arrivée, il avait 6 mois, nous avions du attendre que Kévin ait pris assez de poids pour supporter cette opération qui allait, artificiellement, lui refaire un anus de façon à lui permettre de faire ses besoins par voie naturelle. Il allait donc encore une fois retourner dans les hôpitaux, subir des examens, et surtout une intervention délicate pour laquelle les médecins ne garantissaient pas un résultat certain.

Les médecins et infirmières l’attendaient avec impatience car personne ne l’avait oublié. Il recevait régulièrement des cartes de l’ensemble du personnel et tous se faisaient une fête à l’idée de le revoir.

Entre temps, les parents qu’ils avaient trouvé pour lui en avaient marre d’attendre tout ce temps et étaient partis chercher un bébé en Thaïlande. Nous nous retrouvions donc tous engagés dans une histoire qui allait durer plus longtemps que prévu. Mais bon, nous avions entamé quelque chose que nous devions absolument poursuivre.

Pendant la préparation de l’opération , le chirurgien a craqué pour ce petit bout de chou, si courageux qui faisait à la lettre tout ce qu’il pouvait bien lui demander.

L’opération s’est plus ou moins bien passée, mais Kévin devait rester assez longtemps alité car il fallait que les médecins surveillent bien le fonctionnement de l’anus. Il avait des tuyaux partout, on lui projetait de l’oxygène en vapeur pour l’aider à respirer et je pleurais beaucoup le soir quand je venais après les cours. Le chirurgien me permettait de rester plus longtemps que les heures de visite autorisées et il venait bien souvent le soir dans la chambre de Kévin en soins intensifs pour que nous parlions de la maladie, des conséquences. Je passais des heures à discuter avec ce médecin, qui je crois dépassait largement ses horaires de travail en restant ainsi avec moi dans cette chambre à regarder Kévin. Il dormait beaucoup, n’était pas vraiment en forme et nous pouvions donc rester des longs moments sans rien se dire le chirurgien et moi, les services étaient vides. Je crois qu’il s’est beaucoup impliqué aussi dans l’histoire de ce bébé à cette époque.

Il nous est revenu avec une énorme cicatrice de la longueur et de la largeur de son ventre qu’il va garder toute sa vie. Le chirurgien était assez satisfait de son travail et ma mère devait aller le voir plusieurs jours par mois pour obtenir des résultats. Il avait des séances de rééducation régulières pour stimuler son muscle anal.

Encore une fois, ma mère n’arrêtait pas de faire des allers-retours entre les hôpitaux, les kinésithérapeutes et la maison. Elle était complètement débordée et aussi très fatiguée mais il suffisait qu’elle voie les progrès de Kévin pour qu’elle n’ait même pas envie de se plaindre.

Kévin a eu 1 an et nous ne savions toujours pas ce que pouvait bien devenir un trisomique sauf que chez nous il n’a jamais été considéré comme tel. Il a grandi avec mes neveux et nièces et de la même façon qu’eux. Il était extraordinaire, il donnait envie de le regarder des heures durant et je n’avais jamais vu un bébé qui voulait prendre quelqu’un dans ses bras pour lui faire un câlin. Il donnait des bisous, du matin au soir, s’accrochait à nos joues très fort pour les embrasser.

Je crois qu’à cette époque, nous oubliions facilement sa maladie sauf lorsque les gens nous confrontaient au problème. Je me rappelle d’une fois où je faisais les courses avec Kévin dans un grand supermarché et j’entendais derrière moi deux femmes se dire : « Tu te rends compte cette pauvre fille, si jeune et déjà un enfant mongolien sur les bras... ». J’avais des envies de meurtre ! !

V

Il y avait une association dans la région pour les parents d’enfants trisomiques. Il ont contacté ma mère un jour pour lui demander s’ils pouvaient se rencontrer pour parler du problème, lui donner des informations sur la trisomie et connaître Kévin.

Nous étions bien sûr d’accord de rencontrer ces parents qui vivaient encore plus intensément cette vie puisque ces enfants étaient la chair de leur chair. Nous souhaitions entendre ces témoignages, savoir tout ce que l’on devait savoir pour offrir à notre petit Kévin une vie décente et lui donner toutes ses chances de vaincre sa maladie. J’avais à cette époque une soif de savoir impressionnante, je ne voulais rater aucun détail...

Nous avions un peu peur d’entendre leurs histoires, peur d’être découragés par ce que l’on allait entendre mais nous avons été accueillis les bras ouverts, tous les gens étaient autour de Kévin en admiration et félicitaient ma mère pour ce qu’elle avait fait pour ce gamin. C’était complètement fou !

Nous y allions souvent, aux fêtes de Noël, à des piques niques, j’accompagnais ma mère ces jours là et j’adorais cela. Je m’y sentais à l’aise. Il n’y avait pas de tabous avec ces gens là. On parlait de trisomie comme de tout autre sujet. C’était effrayant de voir, après cela, les gens à l’extérieur, gens que nous avons été aussi avant de connaître Kévin. Nous nous sommes vite rendus compte que le cas de trisomie de Kévin n’était vraiment pas très grave comparé à certains enfants que nous voyions lors de ces rencontres. D’autres souffraient de graves déformations cardiaques, ou avaient des problèmes de vue et d’audition, c’était affreux de voir à quel point cette maladie pouvait être destructrice.

Kévin était plus éveillé que d’autres enfants plus âgés, il était aussi plus agréable même s’il devenait de plus en plus sauvage et brutal avec les enfants et les adultes. Il pouvait frapper quelqu’un sans aucune raison puis l’embrasser à l’étouffer deux minutes après. J’ai l’impression que les forces de ces enfants sont décuplées, Kévin était capable de beaucoup de violence, les autres enfants de ces réunions aussi. En fait, il n’y a pas de juste milieu avec eux, ou ils aiment et sont capables de donner énormément d’amour, ou ils détestent et sont vraiment méchants à la limite de la brutalité. Ils peuvent surtout avoir les deux réactions sur une même personne à deux minutes d’intervalle. Kévin par exemple n’est pas avare de câlins mais lorsqu’il a besoin de donner son amour et qu’il est contrarié contre quelqu’un, il va le taper, le bousculer, le chahuter, c’est sa façon de dire « je t’aime beaucoup mais ne me déçois pas ». Il a aussi ce genre de réactions avec quelqu’un qu’il n’a pas vu depuis longtemps et qu’il apprécie, il ne sait pas trop alors comment se comporter et préférera chahuter brutalement avec cette personne.

Ces enfants avaient tous des réactions similaires complètement à l’opposé chaque minute mais aucun enfant trisomique, je crois, n’est rancunier car ils adorent par dessus tout les câlins qu’ils reçoivent et donnent avec beaucoup d’amour.

A force de rencontrer ces gens, de tout âge, nous nous sommes attachées toutes les deux à ces enfants et avons lié des liens d’amitié avec les parents. Aussi lorsque le petit Tristan, enfant trisomique de 6 ans, est décédé d’une insuffisance cardiaque dans de nombreuses souffrances, nous avons été choquées par cette mort. J’avais beaucoup parlé avec sa mère, qui était à peine plus âgée que moi, à ces réunions et j’avais mal au cœur pour elle car elle l’aimait énormément ainsi que son mari.

Je crois que ce jour là, j’ai compris que ces enfants étaient plus fragiles que l’on croyait, que leur immense courage et leur grosse carapace était en verre et que nous devions nous dire que Kévin aussi n’était plus seulement l’enfant héros que nous voyions en lui mais que nous pouvions le perdre très vite d’autant plus que les trisomiques ont une durée de vie plus courte que les gens en bonne santé.

Kévin a commencé à revivre à partir du moment où il a senti qu’il était aimé, qu’il recevait de l’affection, que nous venions le voir tous les jours. Car quand nous étions allées le voir la première fois, il était complètement amaigri et ne pouvait se nourrir que par intraveineuse. Il était complètement déshydraté.

Il a complètement changé de physionomie, il a grossi, il était presque beau à force de voir son courage. Au bout de quelques jours, il n’arrêtait pas de nous sourire et de se débattre, d’attirer notre attention pour que nous le prenions dans nos bras pour le cajoler. Depuis ce jour, il n’a plus jamais été avare de sourires.

Ses progrès étaient énormes, il a très rapidement pris du poids et recommençait à se nourrir tout seul avec les aliments que lui donnaient ma mère ou ma sœur et moi. Il gazouillait et nous le trouvions comme tous les autres enfants. Tout le personnel hospitalier était en admiration devant celui qui était au portes de la mort quelques jours plutôt et qui maintenant affirmait son caractère, réclamait des bisous et prodiguait des sourires à tout le monde du haut de son petit mois.

17 mai 2007

suite

Nous étions un peu réticents car nous avions déjà gardés une petite fille qui était en attente d’adoption pendant trois mois et la séparation avait été une vraie déchirure pour nous tous.

Elle est allée à l’hôpital car la santé du bébé ne lui permettait pas encore de l’accueillir à la maison. Le bébé était en fait un trisomique, laquelle maladie n’avait pas été détectée avant la naissance, laissant les parents en état de choc.

Kévin se laissait mourir en refusant de se nourrir naturellement et de boire. Elle est revenue à la maison et nous a annoncée sa décision de s’occuper de lui. Je crois qu’elle l’a aimée au premier regard. J’allais comprendre rapidement pourquoi ! Je sais que pour elle la décision a été plus facile que celle des parents puisque ce petit n’était pas le sien, alors il pouvait être malade, nous allions accepter facilement sa différence.

Les problèmes commençaient alors puisque mon père et le reste de la famille n’étaient vraiment pas d’accord d’accepter un enfant à problèmes, un petit mongolien, un monstre comme ils disaient... En fait, personne y compris ma mère savait ce que c’était la trisomie et ce que cela pouvait être une vie avec un petit mongolien. Cette maladie avait toujours fait peur...

Moi, de mon côté, je me demandais ce que nous allions devenir, nous qui n’avions jamais rien connu de tel, le regard des autres me poursuivais, je pensais surtout par dessus tout que ma mère était trop âgée pour s’occuper d’un bébé, elle avait 50 ans, et surtout d’un enfant handicapé, cela me faisait vraiment peur. Mais qui étais-je pour lui dicter ce que son cœur avait déjà choisi ?

Mais maman était allée le voir tous les jours et déjà elle l’aimait tant... Nous nous sommes relayées, elle, ma sœur et moi à son chevet pendant des semaines. A partir de l’instant où j’ai posé le regard sur ce bébé amaigri et visiblement gravement malade, j’ai su qu’il allait bouleverser ma vie. Il m’a regardé de ses grand yeux globuleux et je me sentais troublée au plus profond de ma chair ,je me suis dis que si le destin nous l’avait mis sur notre route, je n’avais pas à le juger et je devais l’aimer autant qu’il avait le droit de l’être.

Je poursuivais mes études pas loin de l’hôpital à cette époque et je venais le soir et repartait avec le dernier bus vers 22 heures pour relayer ma mère à son chevet. Il avait tellement besoin de présence pour reprendre goût à la vie que nous devions y être pratiquement 24H/24, ce qui me laissait peu de temps pour travailler mes cours et je m’endormais bien souvent en classe.

Mon père n’y est allé que quelques fois avec mon frère car il n’aime pas les hôpitaux et avait du mal à regarder ce bébé en face. Je crois surtout aujourd’hui qu’il avait peur de notre engagement vis a vis de ce bébé et qu’il ne souhaitait pas trop s’y attacher surtout qu’il devait rester chez nous peu de temps.

Kévin n’était pas repoussant, au contraire il était plutôt un bébé mignon mais nous pouvions bien voir qu’il n’était pas comme les autres, ses petites oreilles en forme de choux et ses petits yeux bridés le montraient clairement. De plus, il a deux doigts de pieds collés l’un à l’autre qui le resteront toute sa vie sauf s’il a recours à la chirurgie esthétique. Il avait aussi une malformation cardiaque, une valve déformée mais selon les médecins, cela n’aurait aucune conséquence sur sa santé.

Pendant ce temps, le reste de la famille attendait sagement que nous le ramenions à la maison, chacun avec ses idées préconçues et ses critiques et ma grand-mère pestait contre ma mère en la traitant de folle de garder un enfant anormal qui serait attardé toute sa vie. Elles étaient fâchées toutes les deux et ma mère menaçait ma grand-mère de ne plus venir la voir si elle continuait à réagir comme cela. Mais comment en vouloir à ma grand-mère qui n’avait jamais connu l’anormalité dans sa vie, qui ne savait pas du tout ce que pouvait être toute cette histoire.

L’organisme pour les enfants abandonnés ou laissés pour tels essayait de rassurer mes parents en leur disant que de toute façon, nous n’allions pas le garder longtemps puisqu’il allait rapidement être mis en adoption et que tout se passerait vite étant donné la forte demande en bébés. Je n’y croyais pas une minute, comment des gens souhaiteraient-ils adopter un petit trisomique ? Comment, alors que l’on désire tant un enfant et qu’on se l’idéalise, peut-on vouloir en aimer un différent ? Comment, alors que ses propres parents ne voulaient pas de lui ? Toutes ces questions naturelles mais fausses parce que j’avais envie de crier au monde entier de venir le voir, que forcément ils allaient l’aimer tel qu’il était... Je voulais rencontrer ses parents et leur dire qu’ils n’ont pas le droit de faire ce mal à Kévin, qu’ils n’ont même pas cherché à comprendre son problème parce que certainement, et comme bien souvent lorsque je lis des témoignages sur la naissance d’enfants trisomiques, les pédiatres et psychologues leur ont conseillé de l’abandonner, que toute sa vie il serait un légume incapable de marcher, parler et aller à l’école. Comment, dans ces conditions, vouloir un enfant comme cela ?

Kévin a commencé à revivre à partir du moment où il a senti qu’il était aimé, qu’il recevait de l’affection, que nous venions le voir tous les jours. Car quand nous étions allées le voir la première fois, il était complètement amaigri et ne pouvait se nourrir que par intraveineuse. Il était complètement déshydraté.

Il a complètement changé de physionomie, il a grossi, il était presque beau à force de voir son courage. Au bout de quelques jours, il n’arrêtait pas de nous sourire et de se débattre, d’attirer notre attention pour que nous le prenions dans nos bras pour le cajoler. Depuis ce jour, il n’a plus jamais été avare de sourires.

Ses progrès étaient énormes, il a très rapidement pris du poids et recommençait à se nourrir tout seul avec les aliments que lui donnaient ma mère ou ma sœur et moi. Il gazouillait et nous le trouvions comme tous les autres enfants. Tout le personnel hospitalier était en admiration devant celui qui était au portes de la mort quelques jours plutôt et qui maintenant affirmait son caractère, réclamait des bisous et prodiguait des sourires à tout le monde du haut de son petit mois.

II


Il est sorti de l’hôpital deux mois après sa naissance, le premier avril, avec une poche directement reliée à son intestin car il était né sans anus et est arrivé chez nous, tout sourire pour les sceptiques qui ne croyaient pas en lui.

Il était très courageux, une infirmière venait tous les matins lui enlever sa poche et la changer. Très rapidement, ma mère a été capable de lui prodiguer ces soins toute seule. Je l’admirais car moi je me sentais au départ incapable de le faire, j’avais surtout pitié de lui car je savais qu’il avait mal. Mais pas une seule fois, Kévin s’est plaint, il ne pleurait jamais, même quand son intestin était complètement infecté et rouge de douleur. J’ai fini moi aussi par le faire, il fallait bien donner un coup de main.

Avec l’arrivée de Kévin, beaucoup de choses ont changées pour moi, je commençais à sortir, je n’avais plus trop envie de passer mes soirées à la maison avec mes parents et pourtant, il fallait bien que je donne un coup de main, ma mère avait tellement de choses à faire : s’occuper des devoirs des grands, changer les couches du petit, faire à manger à toute cette famille, laver le linge, ranger... et comme j’étais la seule fille qui restait sur place, il a fallu que je mette les bouchées doubles, entre les études, le ménage et les sorties... De plus, Kévin dormait dans ma chambre car nous n’avions plus de pièce disponible pour lui faire sa propre chambre et mon père travaillait à cette époque en équipe et ne pouvait pas garder un bébé qui pleure une bonne partie de la nuit dans sa chambre et puis partir travailler.

J’ai donc passé plusieurs nuits blanches à changer les couches de bébé parce qu’il n’était plus tout à fait sec, à lui donner les biberons à n’importe quelle heure de la nuit, à pleurer avec lui car mes nerfs lâchaient puisque je tombais de sommeil et qu’il ne voulait pas se rendormir. Heureusement que ce n’était que le week-end car en semaine j’avais une chambre en cité universitaire pour pouvoir étudier.

Mais rien n’a jamais remplacé cette sensation d’un bébé dans ses bras, ce bébé qui m’avait sans le savoir pris pour sa mère puisque j’étais présente la nuit lorsque cela n’allait pas bien pour lui. A cette période, il s’est produit quelque chose de profond que rien ne pourra jamais atteindre, un lien indestructible qui nous unira à travers tous les moments de notre vie même si nous devions être séparés, j’en suis intimement convaincue.

17 mai 2007

Introduction

Il y a des moments où l’on se dit que notre vie est comme on l’a choisi, que l’on suit un chemin bien tracé, sans surprise, où l’on croit savoir comment notre vie sera faite en fonction des capacités et moyens dont on dispose.

Je me trouvais dans ce cas, à 19 ans, puisque je savais quel métier j’allais exercer, je me voyais passer ma vie entre mon travail que j’allais adorer et pour lequel j’allais tout faire pour réussir, et une vie de famille normale.

Je me voyais mariée avec un enfant, installée dans une petite maison chaleureuse où je coulerais des jours heureux. Bref, une vie toute simple et je ne me plaignais pas. En tout cas, j’étais intimement persuadée que rien ne viendrait jamais bouleverser mes plans.

Et bien aujourd’hui, je ne dirais plus jamais cela, car en fait, on ne peut jamais prévoir ce qui peut arriver dans la vie.

En effet, j’ai été surprise par la tournure qu’a prise ma vie. Elle a été bouleversée un beau jour de février, alors que je n’attendais rien de spécial à ce moment-là, par un coup de fil venant de ma mère.

Ce jour-là, innocemment je ne savais pas ce qui m’attendrait alors qu’elle m’annonçait qu’elle voulait garder un bébé qui venait de naître et qui n’avait personne au monde pour l’aimer et pour s’occuper de lui.

Une vraie course contre la montre avait commencé...

I

Ma Mère est une assistante maternelle et plutôt que de garder des enfants dans le village où elle habite, elle a décidé de se consacrer entièrement à des enfants abandonnés ou qui sont issus de familles à problèmes, de les avoir avec toute sa famille, toute l’année et pas seulement la journée. Mon père et elle ont donc accueillis deux frères âgés de 18 mois et 2 ans, Christophe et Sébastien. Elle a commencée il y a longtemps.

Quand Christophe et Sébastien sont arrivés, ils avaient de gros problèmes psychologiques, un passé douloureux dans une famille à problèmes. Nous ne connaissions rien de ce genre de problèmes, à part les histoires entendues dans les journaux ou à la télévision car mes parents avaient toujours tout fait pour nous épargner. Nous avons du réellement les habituer à une vie de famille plus ou moins normale et le chemin a été très long. Ils ont rapidement fait partie de la famille et je les considère aujourd’hui comme mes petits frères.

Il est arrivé un moment où elle a voulu un troisième enfant à garder. Les deux garçons qu’elle avait recueillis depuis quelques années déjà étaient maintenant en classe toute la journée et elle se retrouvait la plupart du temps seule sans eux. Elle a donc décidé de faire la demande auprès de l’organisme qui l’emploie pour avoir la garde d’un troisième enfant mais plutôt en bas âge, un petit qui n’allait pas encore à l’école.

Elle n’a pas eu besoin d’attendre longtemps étant donné le nombre d’enfants sans famille qui attendent un foyer d’accueil. Elle avait déjà tout préparé à la maison pour l’accueillir pensant que cela se passerait comme pour Sébastien et Christophe.

Un jour, elle reçoit un coup de fil de cet organisme pour lui annoncer qu’un petit bébé avait besoin d’une famille. On lui a dit que c’était un petit garçon de quelques semaines, abandonné par ses parents qui ne pouvaient pas supporter sa différence. Les parents étaient jeunes, avaient beaucoup désiré cet enfant et avaient décidés de le laisser dans un foyer d’accueil pour qu’il y soit adopté par des gens qui accepteraient l’enfant comme il était.

On lui a dit aussi que ce petit garçon allait rester au maximum quelques mois chez nous car ils avaient trouvé des parents pour lui qui attendaient certains papiers pour une adoption définitive. 

17 mai 2007

Préface

LE LIVRE DE L’HOMME...

Chez l’être humain, ce serait un livre de 46 pages. On pourrait lire sur une page la couleur des yeux, le sexe, la longueur des pieds ou encore la forme des oreilles... Bref tout ce qui se voit, mais on pourrait également y lire tout ce qui ne se remarque pas de l’extérieur, comme le groupe sanguin par exemple.

En fait, il serait plus juste de dire que le livre de l’homme comporte deux fois 23 pages (46 chromosomes) ; 23 pages qui ressemblent au livre de l’homme du père et 23 pages à celui de la mère. C’est pour cette raison que l’on compare souvent les traits d’un enfant avec ceux de ses parents.

Le livre de l’homme de chaque personne se forme au tout début de la vie dans le ventre de la maman. C’est là que les livres de l’homme du père et de la mère se mélangent par un processus complexe. Et il arrive que, au cours de ce processus, les choses ne se passent pas exactement comme on aurait pu s’y attendre. L’enfant a alors une ou plusieurs particularités différentes. C’est le cas notamment des enfants atteints de trisomie 21 : leur livre de l’homme personnel comporte une page, ou un morceau de page supplémentaire (puisque le sujet a trois chromosomes 21 au lieu de 2)

« Association Trisalide »

17 mai 2007

Petite introduction...

k_E9vin

J'ai écrit l'histoire de mon petit frère en 1994. A l'époque pour mes parents, aujourd'hui j'ai envie de le partager avec vous...

Et grâce à l'internet et à ce site, j'espère pouvoir vous raconter un jour la suite des aventures de Kévin alors bonne lecture et à bientôt...

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