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Kévin, l'ange mis sur ma route...
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17 mai 2007

suite

III

Un dimanche matin, nous avons eu une grosse frayeur, la première d’une longue série. C’était le lendemain du baptême d’une de mes nièces.

En effet, pendant la nuit, Kévin s’est complètement déshydraté suite à une gastro-entérite. Il avait perdu environ un kilo et à quelque mois, cela peut être grave. Cela était encore plus difficile pour lui du fait de sa poche reliée directement à son intestin, cela pouvait être dramatique.

Il avait de nouveau un visage amaigri comme à sa naissance, ses joues étaient creusées, j’avais l’impression que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Et pour la première fois depuis sa « renaissance », il ne souriait pas, il ne gazouillait pas... Je ne savais plus quoi dire, je croyais que nous étions entrain de le perdre. Nous l’avons emmené à l’hôpital, toute la famille était en larmes, même mon frère aîné et sa femme qui étaient chez nous en vacances et qui au fond ne le connaissaient vraiment pas encore bien.

Il est revenu quelques jours plus tard, un peu mieux en forme et prêt à nous sauter au cou dès qu’il nous voyait. On le voyait pâle, il avait des difficultés à manger, il souffrait encore beaucoup. Il était presque tous les jours malade, et aujourd’hui encore il attrape toutes les grippes, tous les rhumes et infections qui traînent autour de lui. Je crois que toute sa vie sera faite de médecins, de médicaments etc... et il semble toujours accepter chaque maladie avec le sourire, je souhaiterais avoir plus tard un enfant aussi facile.

Je ne crois pas avoir vu déjà un enfant aussi attaché aux personnes qui l’entourent, il dispensait tellement de chaleur et d’affection que personne au monde ne pouvait passer à côté de lui et l’ignorer car Kévin aimait tout le monde, sans juger et sans critiquer puisque dans son petit univers à lui, il ne sait pas faire cela, il ne connaît pas le mal.

En très peu de temps, il avait adopté tout le monde, mon père et ma grand-mère y compris. Tout le monde ne jurait que par Kévin et cela n’a jamais changé.

IV


L’heure de son importante opération était arrivée, il avait 6 mois, nous avions du attendre que Kévin ait pris assez de poids pour supporter cette opération qui allait, artificiellement, lui refaire un anus de façon à lui permettre de faire ses besoins par voie naturelle. Il allait donc encore une fois retourner dans les hôpitaux, subir des examens, et surtout une intervention délicate pour laquelle les médecins ne garantissaient pas un résultat certain.

Les médecins et infirmières l’attendaient avec impatience car personne ne l’avait oublié. Il recevait régulièrement des cartes de l’ensemble du personnel et tous se faisaient une fête à l’idée de le revoir.

Entre temps, les parents qu’ils avaient trouvé pour lui en avaient marre d’attendre tout ce temps et étaient partis chercher un bébé en Thaïlande. Nous nous retrouvions donc tous engagés dans une histoire qui allait durer plus longtemps que prévu. Mais bon, nous avions entamé quelque chose que nous devions absolument poursuivre.

Pendant la préparation de l’opération , le chirurgien a craqué pour ce petit bout de chou, si courageux qui faisait à la lettre tout ce qu’il pouvait bien lui demander.

L’opération s’est plus ou moins bien passée, mais Kévin devait rester assez longtemps alité car il fallait que les médecins surveillent bien le fonctionnement de l’anus. Il avait des tuyaux partout, on lui projetait de l’oxygène en vapeur pour l’aider à respirer et je pleurais beaucoup le soir quand je venais après les cours. Le chirurgien me permettait de rester plus longtemps que les heures de visite autorisées et il venait bien souvent le soir dans la chambre de Kévin en soins intensifs pour que nous parlions de la maladie, des conséquences. Je passais des heures à discuter avec ce médecin, qui je crois dépassait largement ses horaires de travail en restant ainsi avec moi dans cette chambre à regarder Kévin. Il dormait beaucoup, n’était pas vraiment en forme et nous pouvions donc rester des longs moments sans rien se dire le chirurgien et moi, les services étaient vides. Je crois qu’il s’est beaucoup impliqué aussi dans l’histoire de ce bébé à cette époque.

Il nous est revenu avec une énorme cicatrice de la longueur et de la largeur de son ventre qu’il va garder toute sa vie. Le chirurgien était assez satisfait de son travail et ma mère devait aller le voir plusieurs jours par mois pour obtenir des résultats. Il avait des séances de rééducation régulières pour stimuler son muscle anal.

Encore une fois, ma mère n’arrêtait pas de faire des allers-retours entre les hôpitaux, les kinésithérapeutes et la maison. Elle était complètement débordée et aussi très fatiguée mais il suffisait qu’elle voie les progrès de Kévin pour qu’elle n’ait même pas envie de se plaindre.

Kévin a eu 1 an et nous ne savions toujours pas ce que pouvait bien devenir un trisomique sauf que chez nous il n’a jamais été considéré comme tel. Il a grandi avec mes neveux et nièces et de la même façon qu’eux. Il était extraordinaire, il donnait envie de le regarder des heures durant et je n’avais jamais vu un bébé qui voulait prendre quelqu’un dans ses bras pour lui faire un câlin. Il donnait des bisous, du matin au soir, s’accrochait à nos joues très fort pour les embrasser.

Je crois qu’à cette époque, nous oubliions facilement sa maladie sauf lorsque les gens nous confrontaient au problème. Je me rappelle d’une fois où je faisais les courses avec Kévin dans un grand supermarché et j’entendais derrière moi deux femmes se dire : « Tu te rends compte cette pauvre fille, si jeune et déjà un enfant mongolien sur les bras... ». J’avais des envies de meurtre ! !

V

Il y avait une association dans la région pour les parents d’enfants trisomiques. Il ont contacté ma mère un jour pour lui demander s’ils pouvaient se rencontrer pour parler du problème, lui donner des informations sur la trisomie et connaître Kévin.

Nous étions bien sûr d’accord de rencontrer ces parents qui vivaient encore plus intensément cette vie puisque ces enfants étaient la chair de leur chair. Nous souhaitions entendre ces témoignages, savoir tout ce que l’on devait savoir pour offrir à notre petit Kévin une vie décente et lui donner toutes ses chances de vaincre sa maladie. J’avais à cette époque une soif de savoir impressionnante, je ne voulais rater aucun détail...

Nous avions un peu peur d’entendre leurs histoires, peur d’être découragés par ce que l’on allait entendre mais nous avons été accueillis les bras ouverts, tous les gens étaient autour de Kévin en admiration et félicitaient ma mère pour ce qu’elle avait fait pour ce gamin. C’était complètement fou !

Nous y allions souvent, aux fêtes de Noël, à des piques niques, j’accompagnais ma mère ces jours là et j’adorais cela. Je m’y sentais à l’aise. Il n’y avait pas de tabous avec ces gens là. On parlait de trisomie comme de tout autre sujet. C’était effrayant de voir, après cela, les gens à l’extérieur, gens que nous avons été aussi avant de connaître Kévin. Nous nous sommes vite rendus compte que le cas de trisomie de Kévin n’était vraiment pas très grave comparé à certains enfants que nous voyions lors de ces rencontres. D’autres souffraient de graves déformations cardiaques, ou avaient des problèmes de vue et d’audition, c’était affreux de voir à quel point cette maladie pouvait être destructrice.

Kévin était plus éveillé que d’autres enfants plus âgés, il était aussi plus agréable même s’il devenait de plus en plus sauvage et brutal avec les enfants et les adultes. Il pouvait frapper quelqu’un sans aucune raison puis l’embrasser à l’étouffer deux minutes après. J’ai l’impression que les forces de ces enfants sont décuplées, Kévin était capable de beaucoup de violence, les autres enfants de ces réunions aussi. En fait, il n’y a pas de juste milieu avec eux, ou ils aiment et sont capables de donner énormément d’amour, ou ils détestent et sont vraiment méchants à la limite de la brutalité. Ils peuvent surtout avoir les deux réactions sur une même personne à deux minutes d’intervalle. Kévin par exemple n’est pas avare de câlins mais lorsqu’il a besoin de donner son amour et qu’il est contrarié contre quelqu’un, il va le taper, le bousculer, le chahuter, c’est sa façon de dire « je t’aime beaucoup mais ne me déçois pas ». Il a aussi ce genre de réactions avec quelqu’un qu’il n’a pas vu depuis longtemps et qu’il apprécie, il ne sait pas trop alors comment se comporter et préférera chahuter brutalement avec cette personne.

Ces enfants avaient tous des réactions similaires complètement à l’opposé chaque minute mais aucun enfant trisomique, je crois, n’est rancunier car ils adorent par dessus tout les câlins qu’ils reçoivent et donnent avec beaucoup d’amour.

A force de rencontrer ces gens, de tout âge, nous nous sommes attachées toutes les deux à ces enfants et avons lié des liens d’amitié avec les parents. Aussi lorsque le petit Tristan, enfant trisomique de 6 ans, est décédé d’une insuffisance cardiaque dans de nombreuses souffrances, nous avons été choquées par cette mort. J’avais beaucoup parlé avec sa mère, qui était à peine plus âgée que moi, à ces réunions et j’avais mal au cœur pour elle car elle l’aimait énormément ainsi que son mari.

Je crois que ce jour là, j’ai compris que ces enfants étaient plus fragiles que l’on croyait, que leur immense courage et leur grosse carapace était en verre et que nous devions nous dire que Kévin aussi n’était plus seulement l’enfant héros que nous voyions en lui mais que nous pouvions le perdre très vite d’autant plus que les trisomiques ont une durée de vie plus courte que les gens en bonne santé.

Kévin a commencé à revivre à partir du moment où il a senti qu’il était aimé, qu’il recevait de l’affection, que nous venions le voir tous les jours. Car quand nous étions allées le voir la première fois, il était complètement amaigri et ne pouvait se nourrir que par intraveineuse. Il était complètement déshydraté.

Il a complètement changé de physionomie, il a grossi, il était presque beau à force de voir son courage. Au bout de quelques jours, il n’arrêtait pas de nous sourire et de se débattre, d’attirer notre attention pour que nous le prenions dans nos bras pour le cajoler. Depuis ce jour, il n’a plus jamais été avare de sourires.

Ses progrès étaient énormes, il a très rapidement pris du poids et recommençait à se nourrir tout seul avec les aliments que lui donnaient ma mère ou ma sœur et moi. Il gazouillait et nous le trouvions comme tous les autres enfants. Tout le personnel hospitalier était en admiration devant celui qui était au portes de la mort quelques jours plutôt et qui maintenant affirmait son caractère, réclamait des bisous et prodiguait des sourires à tout le monde du haut de son petit mois.

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